Le Duduk

Introduction

Instrument symbolique pour certains et irremplaçable transmetteur d’émotions dans les bandes sonores cinématographiques pour d’autres, le Duduk (Դուդուկ en arménien), également appelé tsiranapogh (ծիրանափող en arménien : ծիրան (tsiran) = "abricot", փող (pogh) = "tuyau" ou "flûte"), est un instrument à vent cylindrique en bois, originaire des régions du Caucase et de l’Anatolie. Connu pour surprendre son auditoire grâce à un son grave, chaleureux et mélancolique malgré sa petite taille, le Duduk a su marquer les esprits à l’échelle mondiale, notamment après son exportation massive à la fin des années 1990.

Beaucoup le découvrirons lors de son utilisation dans les bandes sonores de nombreux films emblématiques, apportant une profondeur émotionnelle unique grâce à son timbre mélancolique et évocateur. En 2000, dans Gladiator, il accompagne les scènes de liberté et de sacrifice, soulignant la grandeur tragique du film avec une intensité remarquable, ou encore, plus récemment, dans Dune I & II (2021 & 2024), il illustre les paysages désertiques et chaotiques de l’univers de Frank Herbert, ajoutant une dimension sonore envoûtante à ce chef-d’œuvre cinématographique.
Un article détaillé sur l’utilisation du duduk dans les bandes sonores de films est à retrouver ici : Le Duduk au Cinéma.

Selon les sources les plus anciennes, notamment les peintures pariétales découvertes dans diverses grottes d’Anatolie et du Caucase, l’utilisation du Duduk, ou plutôt d’un instrument fortement similaire, mesurant environ 35 cm et doté d’une anche double, remonterait à plus de 3500 ans. Cet instrument plusieurs fois millénaire est profondément enraciné dans les cultures des peuples de la région et constitue un élément clé de leur patrimoine musical.

Facture

Le Duduk est un instrument à vent cylindrique d’environ 35 cm de longueur, fabriqué à partir du bois d’abricotier de la variété Prunus Armeniaca, reconnue pour sa densité et ses qualités acoustiques. Ce bois noble, extrait du noyau mature de l’arbre, est minutieusement sélectionné par des artisans pour garantir une sonorité optimale. Une fois récolté, le bois est entreposé pendant 5 à 10 ans, une période de séchage naturel essentielle pour éliminer toute humidité et renforcer à la fois sa durabilité et son potentiel sonore.

Le Duduk traditionnel comporte dix perces (trous), huit à l’avant et deux à l’arrière de l'instrument, agencées selon l'échelle diatonique similaire à celle de nombreux instruments occidentaux, ce qui lui confère une polyvalence musicale.

La production du son au Duduk repose sur la vibration d'une anche double, comparable à celle d’instruments tels que le basson ou le hautbois. Communément appelée "ghamish" dans la culture populaire ou "yegheg" en arménien, cette anche est conçue à partir d’une seule pièce de roseau aplatie, fendue, puis ligaturée. Pour en savoir plus sur les anches et leurs artisanat, un article de blog est disponible ici : Les Anches

L'anche du Duduk est amovible : elle est insérée dans le corps de l'instrument lors des performances, mais doit être systématiquement retirée après utilisation. Cette précaution permet d'assurer une meilleure aération de l'instrument et de prévenir tout risque de détérioration causé par des chocs éventuels dans son étui.

Sonorité

Le Duduk est reconnu pour son son chaleureux, doux et mélancolique, souvent comparé à la voix humaine pour sa capacité à transmettre des émotions profondes. Cette qualité lui vaut une place de choix dans des contextes où l’expressivité est essentielle, notamment au cinéma.

Afin d’élargir ses usages musicaux, les artisans ont développé avec le temps des variantes du Duduk aux tonalités variées, allant des modèles en Fa (F) et Sol (G), idéaux pour des mélodies graves et mélancoliques, aux modèles en La (A), Si (H) et Sib (B), parfaits pour des morceaux folkloriques traditionnelles. Les versions aiguës en Do (C), Ré (D) et Mi (E), quant à elles, conviennent aux compositions festives et dansantes, souvent utilisées lors de spectacles de danse ou mariages.

Cette diversité de tonalités rend le Duduk polyvalent, lui permettant de s’adapter aussi bien aux morceaux traditionnels qu’aux styles modernes, tout en conservant son caractère distinctif.

Tessiture et Fonctionnement

Le Duduk est un instrument cylindrique en bois doté de dix perces (trous), huit à l’avant et deux à l’arrière. Accordé selon l'échelle diatonique, son intervalle entre les notes n’est pas toujours uniforme, suivant cette construction :

1/2 ton - 1 ton - 1 ton - 1 ton - 1/2 ton - 1 ton - 1 ton - 1/2 ton - 1 ton - 1 ton 

Pour un Duduk accordé en La (A), les notes obtenues sont :

La - Sol# - Fa# - Mi - Ré - Do# - Si - La - Sol# - Fa# - Mi 

Le Duduk traditionnel à dix perces permet de jouer 11 notes naturelles en bouchant simplement les perces (trous). Toutefois, il est également possible de produire toutes les notes chromatiques sur une octave et demie, soit 19 notes au total :

*Si - *Si♭ - La - Sol# - Sol - Fa# - Fa - Mi - Mi♭ - Ré - Do# - Do - Si - Si♭ - La - Sol# - Sol - Fa# - **Mi

Pour obtenir ces notes supplémentaires, il suffit de boucher partiellement les perces, ce qui permet de descendre d’un demi-ton la note correspondante (sauf pour les 1er, 5e et 8e perces, où un quart de ton est produit en raison de leur accord initial au demi-ton). Un article de blog detaillé sur les demi-tons au Duduk est à retrouver ici : Les Demi-tons au Duduk

Le jeu du Duduk présente également deux techniques spécifiques pour enrichir sa tessiture :

  • Serrage des lèvres (*) : Lorsque le Duduk est joué sans aucune perce bouchée, il produit sa note fondamentale (par exemple, La (A) pour un duduk en La (A) ). En serrant les lèvres, deux notes aiguës supplémentaires peuvent être jouées : Si bémol (Bb) et Si (B ou H).
  • Utilisation du ventre (**) : Lorsqu’un joueur utilise ses neuf doigts pour boucher tous les perces visibles, il peut boucher la dixième perce (à l'arrière du Duduk) en appuyant l'instrument contre son abdomen, ce qui permet de produire une note supplémentaire : le Mi (E).

D'autres variantes de Duduk, notamment celles équipées de systèmes de clés, ont été développées pour élargir les possibilités et la tessiture de l'instrument, permettant d’atteindre jusqu’à deux octaves. Pour en savoir plus sur les différents types de duduk, vous pouvez consulter notre blog dédié : Les Différents Types de Duduk.

Histoire

Jusqu’au XVIIIe siècle, le Duduk était entièrement confectionné à partir de roseau. Cependant, ce matériau, peu durable, obligeait à fabriquer un nouvel instrument dès que l’anche ou le corps devenaient inutilisables en raison de l’usure.

Au fil du temps, les artisans arméniens ont affiné leur savoir-faire en sélectionnant des matériaux mieux adaptés à la fabrication du Duduk. Le bois a progressivement remplacé le roseau pour le corps de l’instrument, en raison de sa résistance aux variations de température et à l’humidité. Le bois, réputé pour sa durabilité, assure à l’instrument une stabilité et une longévité remarquable, pouvant aller de 30 à 50 ans. L’anche, quant à elle, continue d’être fabriquée en roseau, choisi pour ses qualités sonores exceptionnelles.

L’expertise des artisans a permis au Duduk d’atteindre une qualité sonore remarquable, avec des sonorités justes et claires, ouvrant ainsi la voie à une utilisation professionnelle, notamment lors de concerts. 

Dès les années 1940, le célèbre joueur de Duduk Markar Markaryan, accompagné d'autres musiciens précurseurs, œuvre à faire reconnaître le Duduk comme un véritable instrument de concert, rompant avec sa stricte association aux festivités traditionnelles. C’est à partir de cette période d'avant-guerre que se structure la scène du Duduk en Arménie, donnant naissance aux nouvelles générations de musiciens qui perpétuent cet héritage jusqu'aujourd'hui.

C’est également à cette époque que les artisans, après avoir expérimenté divers bois provenant de différents pays, ont conclu que le bois le plus adapté à la fabrication du Duduk provenait des abricotiers poussant sur les sols secs et arides d’Arménie. Grâce à des processus minutieux de sélection, de préservation et de préparation, ce bois confère au Duduk un son chaleureux et inimitable qui fait sa renommée.

Le Duduk a progressivement gagné en popularité auprès du peuple arménien, devenant un symbole culturel largement reconnu et promu. En 2005, les autorités culturelles d’Arménie, en collaboration avec des experts, des musiciens et des artisans, ont identifié le duduk comme un élément essentiel du patrimoine culturel immatériel du pays. Cette reconnaissance a conduit à la préparation d’une candidature officielle auprès de l’UNESCO. En 2008, l’UNESCO inscrit le Duduk et sa musique au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, soulignant son importance en tant qu’expression vivante de la culture arménienne.

Symbolique

Tout au long de son histoire, le peuple arménien a préservé et transmis la tradition du Duduk, un instrument aux vertus apaisantes, relaxantes et purifiantes. Véritable compagnon des grandes étapes de la vie, il a accompagné les baptêmes, mariages, fêtes de village et enterrements, devenant un témoin sonore des joies et des peines du quotidien.

Au fil des siècles, à la suite des multiples répressions subies, notamment sous le régime ottoman, le Duduk a acquis une signification symbolique profonde pour le peuple arménien. Il est devenu un miroir des épreuves traversées, reflétant non seulement leur vie quotidienne, mais aussi les blessures collectives de leur histoire, telles que celles du génocide arménien. Après ces tragédies, le Duduk s’est imposé comme un moyen puissant d’expression de la souffrance et la résilience du peuple arménien.

Bien qu’il se soit diffusé dans l’ensemble du Caucase, du Moyen-Orient, des Balkans et le long des anciennes routes de la soie, le Duduk a su conserver son identité musicale propre, demeurant un symbole authentique de l’Arménie. Le respect de son essence originelle a permis à cet instrument d’être reconnu et apprécié à l’échelle mondiale, consolidant son rôle de messager culturel.

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